Depuis la réfome de la prescription entrée en vigueur en juin 2008, le délai pour agir en justice a été réduit à 5 ans, ce délai commençant à courir le jour où la victime « a connu ou aurait dû connaître les faits nécessaires à l’exercice de l’action« .

Or, lorsqu’un investisseur découvre qu’il a été victime d’une opération de défiscalisation dolosive (et qu’il décide en conséquence d’agir en réparation), plus de cinq années se sont souvent écoulées depuis la conclusion de cette opération.
Il est notamment fréquent que ce ne soit qu’à l’issue de l’opération (et donc près de 10 ans après l’acquisition) qu’il découvre que le bien avait été surévalué (notamment lorsqu’il tente de le revendre et qu’il apprend à cette occasion que le bien se négocie à une valeur très inférieure au prix d’achat).
Il appartient alors au juge de déterminer si la victime a agi en justice dans les délais.
Deux décisions récentes ont statué sur cette problématique de la prescription en faveur de la victime
1) Dans la première de ces affaires, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a considéré en ces termes que la victime était recevable à agir contre le notaire au titre d’une surévaluation plus de 8 ans après la vente en ces termes :
« En l’espèce, les époux Z font grief aux notaires mis en cause de ne pas les avoir alertés sur le prix excessif de vente d’une part, et sur l’acquisition inutile au regard de leurs besoins en défiscalisation d’un des trois immeubles, d’autre part.
S’agissant du caractère excessif du prix de vente, à le supposer établi, les époux Z ne peuvent être regardés comme en ayant eu connaissance le jour de la vente, sauf à considérer que la présente action a été introduite de mauvaise foi, ce qui n’est ni allégué, ni démontré. (…) Il s’ensuit que l’action des époux Z, sur le fondement du défaut de conseil des notaires sur le prix, introduite le 23 février 2015, n’est pas prescrite (…) » (CA Saint-Denis de la Réunion, 28 juin 2019, n° 17/01640)
Sur le fond, la Cour jugera néanmoins que la responsabilité des notaires n’était pas établie. Mais la décision n’en demeure pas moins favorable sur le plan de la prescription.
2) Dans la seconde de ces affaires, la Cour d’appel de Toulouse juge recevable l’action de la victime diligentée plus de 6 ans après la conclusion de la vente en ces termes contre le commercialisateur (la société IFB FRANCE) et le promoteur (la société AKERYS PROMOTION) :
« Il est admis que le point de départ de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation précontractuelle d’information et de conseil est le jour de la réalisation du dommage ou le jour où il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas connaissance précédemment.
Des éléments versés à la procédure il ressort que les époux Z ne sont pas parvenus à louer leur bien pendant 11 mois entre février 2012 et janvier 2013, date à laquelle ils ont accepté une baisse de loyer de 131 euros par mois. De même, c’est à compter de l’expertise réalisée à leur demande le 18 décembre 2012 qu’ils affirment avoir constaté la surévaluation du bien acquis. C’est donc au plus tôt en février 2012 et au plus tard en janvier 2013 que les époux Z ont eu connaissance des faits dommageables fondant leur action en responsabilité.
Par voie de conséquence l’action en responsabilité exercée par les époux Z par acte d’assignation du 13 décembre 2013 a été engagée dans le respect du délai de prescription de cinq ans à compter de la date de révélation des faits dommageables susvisés, elle doit être déclarée recevable. » (CA Toulouse, 27 janvier 2020, n° 17/02265)
Ces décisions constituent de nouvelles illustrations du fait qu’il est encore possible d’agir en justice 5 ans après la vente, dès lors que la victime justifie des raisons objectives pour lesquelles il lui a fallu plusieurs années pour prendre conscience du caractère trompeur de l’opération.
A titre d’exemple, entre autres, le fait que l’opération ait été conclue en outre-mer (dispositif GIRARDIN) peut expliquer que la victime ait mis plus de temps à découvrir la réalité du marché.