Sur la problématique du point de départ du délai de prescription
Comme indiqué précédemment, la victime d’une opération de défiscalisation immobilière met souvent plusieurs années à s’apercevoir qu’elle a été dupée.
Or, le délai de prescription pour agir contre le promoteur et ses conseillers commerciaux est de cinq ans.
Le problème est ainsi de savoir à partir de quelle date démarre ce délai de cinq ans.
Lorsque le problème est principalement lié à une surévaluation du prix du logement, les victimes soutiennent qu’elles n’ont découvert la tromperie qu’à l’issue de la durée de mise en location prévue par le dispositif de défiscalisation (neuf ans pour un dispositif Scellier ou De Robien et de 6 à 12 ans pour un dispositif Pinel…).
En effet, ce n’est qu’après avoir donné le bien en location pendant la durée minimale imposée par ce dispositif que la victime (qui ignore encore à ce stade qu’elle est une victime) envisage pour la première fois de revendre son bien. C’est alors seulement qu’elle découvre que ce bien se négocie à un prix très largement inférieur au prix d’acquisition et au prix de revente annoncé par le promoteur dans les simulations. La victime en déduit que le délai de prescription ne peut commencer avant l’expiration du dispositif de défiscalisation.
Pour leur part, les promoteurs considèrent que le délai commence à courir dès la conclusion de l’acte de vente du logement. Ils en concluent que l’action serait déjà prescrite lorsque l’opération de défiscalisation a pris fin.
Sur la solution retenue en faveur des victimes par la Cour d’appel de Douai
Un arrêt très récent de la Cour d’appel de Douai (C.A. Douai 3 mars 2022, RG n° 21/01988), constitue un exemple supplémentaire de décision rendue en la matière en faveur des victimes.
Dans cette affaire, les promoteurs (la SNC Marignan Résidences) et son mandataire commercial (la SAS Omnium Finance, devenue Stellium immobilier) avaient vendu en juin 2010 à un particulier un logement en état futur d’achèvement.
Suite à la mise en location de ce bien durant plusieurs années, comme le prévoit le dispositif Scellier, ce particulier a souhaité le revendre. Cependant, il a alors constaté que la valeur du bien était inférieure à ses espérances. Il a alors assigné en justice le promoteur et son mandataire commercial pour réclamer une indemnisation au titre de la perte de chance de contracter dans des conditions plus avantageuses.
Sa demande fut jugée irrecevable en première instance, au motif que celle-ci était prescrite, puisqu’elle avait été initiée plus de cinq ans après la conclusion de l’acte de vente.
La Cour d’appel de Douai infirme la décision de première instance et décide que « le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à compter de la fin du dispositif Scellier en décembre 2019, date à laquelle M. Ab a entrepris de démarches en vue de la mise en vente de son appartement ».
La Cour précise notamment que l’acquéreur, « profane de l’immobilier, a fait l’acquisition de l’appartement, objet du litige dans le cadre du dispositif Scellier, s’agissant non de l’acquisition d’une résidence principale ou secondaire mais d’un investissement locatif, imposant la mise en location du bien pendant neuf ans, il ne saurait lui être valablement reproché de ne pas avoir mis son bien en vente avant le mois de décembre 2019, date de l’échéance du dispositif fiscal « .
La Cour d’appel retient ainsi que le particulier a tout simplement respecté les termes du dispositif fiscal « Scellier ». Il a loué l’appartement pendant neuf ans, puis a ensuite souhaité le revendre. Et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a pu constater que le bien avait une valeur nettement inférieure à ce que lui avait laisser entendre les conseillers commerciaux du promoteur.
Ainsi, la Cour d’appel a simplement considéré qu’en tant que non-professionnel de l’immobilier, il n’a fait que suivre les conseils que lui avaient fourni ces derniers.
Cette décision confirme que même des années après un achat immobilier, une action reste envisageable pour les victimes.